La vie est merveilleuse en ce qu’elle nous laisse toujours le choix. À chaque moment, nous choisissons de faire ou de ne pas faire, le plus souvent sans nous en apercevoir. Notre responsabilité d’être humain et notre volonté d’évoluer nous poussent à prendre davantage conscience de ces choix, afin d’être le plus aligné possible entre ce que nous faisons et ce que nous décidons d’être. Et même lorsque nous pouvons avoir l’impression d’être dans une impasse, lorsque nous avons la certitude que nous ne pouvons plus rien faire, il nous reste encore un choix : celui de subir ou d’accepter.
Subir : le déni de la réalité
Subir consiste à refuser d’accepter ce qui est. C’est un déni. La réalité est ce qu’elle est et pourtant on persiste à vouloir qu’elle soit différente sans pour autant agir. Subir revient à abandonner sa responsabilité ou à se couper du Faire, à rester passif sans chercher à créer ou à découvrir les choix qui pourraient s’offrir à nous.
L’attitude qui résulte de cette position peut être gémir, geindre, pleurer, ronchonner, dénigrer, accuser l’autre, taper du pied, être agressif voire violent ou bien encore ne rien dire du tout, serrer les dents comme si de rien n’était et souffrir en silence. C’est une position de victime. L’émotion dominante peut être le ressentiment, la colère ou bien l’affliction.
Accepter : la positive attitude
Accepter consiste à admettre la réalité telle qu’elle est. Il s’agit de défocaliser son attention de ce qui ne va pas et avoir une attitude résolument positive orientée soit vers les solutions, soit vers d’autres formes d’épanouissement, d’autres stratégies pour satisfaire ses besoins.
Accepter, contrairement à subir qui enferme, permet de retrouver une forme de liberté. Une liberté psychique tout d’abord puisque l’énergie et les pensées ne sont plus accaparées par le négatif. Une liberté physique ensuite puisqu’en ne s’en remettant plus aux éléments extérieurs pour espérer le changement, on renoue avec notre capacité d’action et notre faculté de créer du choix.
Les 5 cas où on ne peut rien faire : les 5 i
Ces 5 i sont les limites auxquelles nous sommes confrontés en tant qu’être humain. Ils ont été définis par Carlo Moïso comme les seuls cas où nous ne pouvions rien faire (ou presque). Le seul choix qui nous reste alors est celui de subir ou accepter.
Injustice
Que ce soit au niveau de l’action des individus ou des systèmes ou que ce soit la vie elle-même, que nous le voulions ou non, l’injustice existe. C’est un fait. Le désir de vengeance, la volonté d’obtenir réparation ou de punir un coupable, entretiennent des regrets et des ressentiments, des ruminations qui empêchent d’avancer et de trouver la solution la plus rationnelle pour être mieux plus vite.
Comme nous l’avons vu, nous avons deux possibilités face à l’injustice :
- Subir, qui peut prendre deux formes différentes : être une victime, se plaindre, se sentir écrasé par le destin ou bien devenir persécuteur, chercher à se venger à tout prix, à punir.
- Accepter et être acteur de sa vie, responsable et conscient, faire les apprentissages de l’expérience vécue et continuer à avancer.
Inadéquation de l’Homme
On pourrait dire aussi son imperfection. Accepter sa propre imperfection et celle d’autrui, c’est à dire faire preuve d’humilité, voire de vulnérabilité, et reconnaitre la valeur des autres permet de sortir d’une illusion de toute-puissance.
Les risques et les conséquences sont différents mais tout aussi néfastes dans la croyance qu’on est parfait que dans la croyance qu’on pourrait et qu’on devrait l’être. Dans un cas on s’expose au rejet et à la solitude, dans l’autre, à l’épuisement, au déni de soi-même et au manque de confiance en soi.
Autrement dit, c’est en acceptant ses limites, intellectuelles et physiques, que l’on peut les opposer aux autres pour pouvoir se confronter au monde avec responsabilité. Accepter ses limites est aussi un moyen de prendre conscience de ses qualités et donc de son unicité (en savoir plus sur la conscience de ses qualités et défauts).
En résumé :
- Subir : ignorer que la perfection n’existe pas pour se croire parfait ou se sentir impuissant de ne pas y arriver.
- Accepter et prendre conscience de ses qualités et défauts et de ceux des autres pour vivre en harmonie avec soi-même et avec les autres.
Inévitabilité de la fin et de la mort
La vie a une fin et nous n’y pouvions rien. A fortiori, chaque activité humaine peut possiblement s’arrêter : loisir, travail, relation… En niant cette possibilité, en refusant d’accepter cette fin, on occulte les signes précurseurs qui pourraient nous permettre d’agir soit pour éviter cette fin, soit pour la préparer et envisager l’après.
Là encore, deux possibilités :
- Subir en ignorant la fin et en prendre conscience au moment où elle nous tombe dessus, comme une fatalité.
Subir en redoutant la fin, dans l’angoisse, dans la rumination de pensées négatives. - Accepter la fin, l’envisager sans la craindre, avec une anticipation créative pour avoir un minimum de préparation et de choix.
Irréversibilité du passé
Nous n’avons aucun moyen d’action sur les évènements passés. C’est une évidence. Le passé n’existe plus et pourtant il influe directement sur notre présent. Et en même temps, nous avons le pouvoir de choisir cette influence.
C’est en prenant conscience des implications du passé sur notre présent, sur nos émotions, sur nos croyances que nous pouvons reprendre le pouvoir et le contrôle de ce que nous voulons être.
Nos souvenirs positifs peuvent devenir de formidables ressources (cf. Désactiver l’émotion d’un souvenir désagréable)
Ainsi au regard du passé et de son irréversibilité, nous pouvons :
- Subir en regrettant sans cesse ce qui n’est plus ou ce qui aurait dû être différent, refuser de faire les deuils nécessaires et se maintenir dans la culpabilité ou le reproche aux autres ou bien dans le regret.
- Accepter en se pardonnant et en pardonnant aux autres, tirer les enseignements des expériences vécues et se nourrir du positif passé, être dans le présent, tourné vers des solutions pour le futur.
Imprévisibilité du futur
Ici encore, il s’agit d’une évidence. J’ai déjà abordé cette caractéristique dans cet article : 5 astuces pour ne pas avoir peur du futur.
La vie n’aurait en réalité pas de sens si nous pouvions prévoir tous les évènements, elle serait dépossédée de tout ce qui fait sa beauté, de notre implication dans des actes qui ont des résultats immédiats invisibles mais qui nous permettent d’apprendre et de nous construire.
Vouloir prévoir le futur, c’est, d’une certaine manière, être tourné exclusivement vers les résultats, concevoir la vie en termes de réussite ou d’échec, de bonheur ou de malheur. Mais l’échec n’existe pas, ce n’est qu’une information. Le malheur n’existe pas, ce n’est qu’une vue de l’esprit, une manière d’appréhender les évènements.
- Subir : ignorer totalement toutes les conséquences possibles de ses actes présents ou redouter tout ce qu’il pourrait arriver de plus négatif, faire des projections alarmistes ou fatalistes. Vivre dans le déni total ou dans la peur et l’angoisse.
- Accepter : agir de son mieux, en pleine conscience de ses actes, réaliser qu’on ne contrôle rien ou presque et rester ouvert à tout ce qui pourrait arriver.
Un 6ème cas : les émotions
J’ignore de quelle manière Carlo Moïso intégrait les émotions dans sa réflexion. À mon sens, elles méritent un développement particulier et une place à part entière parmi les choses contre lesquelles l’Homme ne peut rien faire.
Les 5i concernent l’extérieur, l’environnement et les croyances ou les pensées qui y sont rattachées. Les émotions quant à elles, constituent notre intériorité. Pour autant, bien qu’elles fassent partie de nous, le seul choix que nous ayons face à elles est de les subir ou de les accepter.
Nos émotions
Nous pouvons nier ou lutter tant que nous voulons contre nos émotions, elles existent bel et bien. Nos émotions sont l’expression de notre inconscient au travers de notre corps pour nous donner des informations sur nos besoins. Elles nous indiquent quels besoins sont nourris grâce aux émotions agréables et quels besoins sont insatisfaits grâce aux émotions désagréables qui peuvent être, après qu’elles aient été suffisamment accueillies, une invitation à l’action.
Subir ses émotions prend le plus souvent la forme de la négation. Nier ses émotions revient à nier ses besoins et donc à se couper de l’action qui pourrait permettre de les satisfaire.
- Subir : nier ses ressentis, ses sensations, intellectualiser et se refuser d’éprouver ce qu’on éprouve : « Il ne faut pas… », « Je ne devrais pas… », « Je n’ai pas de raison de… ».
- Accepter : accueillir dans notre corps les sensations, les émotions, prendre le temps de les vivre pleinement pour les laisser se transformer en quelque chose de plus doux. Prendre conscience de ses besoins (Cf. Sentiments et besoins humains) et se donner du choix dans les stratégies destinées à les satisfaire.
Les émotions d’autrui
La conséquence de la négation de ses propres émotions est de subir également les émotions des autres, soit par excès d’empathie, soit par absence totale d’empathie. Dans le premier cas on plonge dans l’émotion de l’autre, on la prend à notre compte sans réaliser qu’elle ne nous appartient pas, dans le second on est totalement coupé du ressenti de l’autre.
La conséquence du manque d’empathie est de subir directement l’expression des émotions de l’autre comme des reproches, des accusations, des jugements. Accueillir l’émotion de l’autre, et comprendre ses besoins, par delà ce qu’il dit ou fait, permet de se reconnecter à l’autre de manière adulte par la communication et l’expression authentique de soi.
- Subir les émotions de l’autre revient le plus souvent à les ignorer et à devenir victime de leur expression maladroite, la cible de jugements ou de reproches ou bien de devenir persécuteur à son tour (Cf. Le triangle dramatique).
- Accepter et accueillir les émotions de l’autre permet de se connecter à ce qu’il y a de plus vivant chez lui et d’ouvrir un dialogue constructif et responsable (Cf. La Communication NonViolente).
Et renoncer, c’est quoi alors ?
Il m’a été opposé par une personne à qui j’évoquais ce choix entre subir et accepter, qu’elle préférait refuser d’accepter car elle voyait dans l’acceptation une forme de renoncement.
Il faut bien avoir à l’esprit qu’accepter n’est pas renoncer. Le choix entre agir ou renoncer est au Faire ce que le choix entre accepter ou subir est à l’Être. Subir ou accepter sont deux manières distinctes de se positionner psychiquement face aux évènements, aux faits. Agir ou renoncer sont des choix d’action.
Accepter pourrait être d’une certaine manière renoncer à lutter vainement, psychiquement, contre quelque chose qu’on ne peut pas changer. Renoncer consiste en réalité à abandonner volontairement sa capacité à agir.
Pour bien faire la nuance entre tout ceci, prenons un exemple.
Un homme est malade. Peu importe la gravité de sa maladie et les enjeux. Plusieurs possibilités s’offrent à lui :
- Il peut subir : refuser d’être malade. Il fera alors comme si tout allait bien. Il se convaincra à coup de « Il faut », « Je dois » que ce n’est rien. Il minimisera ou niera sa maladie, probablement jusqu’à ce qu’elle prenne de l’ampleur pour le clouer au lit et l’obliger à prendre le repos nécessaire et éventuellement à se soigner (ce qui n’équivaut pas à une acceptation).
- Il peut accepter d’être malade dès les premiers symptômes. Il pourra alors choisir entre différentes stratégies d’action. Parmi ces stratégies, se trouvent deux catégories :
- Agir. L’acceptation lui offre la liberté en lui proposant une multiplicité d’actions possibles. Il peut choisir d’écouter son corps et de se reposer, de se soigner par homéopathie ou avec des bonbons à la menthe, d’aller voir un médecin ou un sorcier vaudou, etc.
- Renoncer, qui est un refus d’agir. Ici, il pourrait s’agir de renoncer à se soigner. Au fil du temps, la conséquence pour l’Être de ce renoncement à Faire peut être de subir, mais pas forcément, pas tant que ce choix reste renouvelé consciemment.
Pour résumer, renoncer concerne un positionnement par rapport à l’action, au Faire, tandis qu’accepter ou subir est un positionnement psychique qui détermine qui on veut Être.
Et vous, est-ce que vous acceptez facilement ou bien est-ce que vous luttez ? 🙂